Présentée par monsieur Dominique TIAN Député.
Résumée par JP de Boutselis pour la Sté Inter’Or
« La fraude en matière sociale, comme en matière fiscale, a longtemps bénéficié d’une certaine indulgence en France. Deux évolutions ont néanmoins conduit à atténuer, voire à inverser ce constat. La première est la prise de conscience de l’enjeu représenté par la lutte contre la fraude, dans un contexte de dégradation des comptes sociaux. La seconde de ces évolutions est la mutation de l‘opinion publique, qui procède elle-même, notamment, des inquiétudes croissantes qui font jour sur la pérennité de notre système de protection sociale. »
Par ces mots, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, montre la mutation intervenue ces dernières années. Alors que la fraude aux prestations a été pendant longtemps un sujet peu traité – pour ne pas dire tabou – la prise de conscience de l’ampleur de la fraude tant aux prestations qu’aux prélèvements a conduit le Gouvernement à faire de la lutte contre la fraude une de ses priorités.
Pour tenter d’évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre la fraude, la MECSS a bénéficié du concours de la Cour des comptes. En avril 2010, celle-ci a, en réponse à la demande qui lui avait été adressée, remis un rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du régime général (2).
Mais la mission, au terme d’une enquête de onze mois, de vingt-huit auditions (3) et six déplacements en France et à l’étranger, est convaincue que la fraude sociale représente des montants financiers bien plus importants que ce que les premières évaluations réalisées laissent supposer. (I). En effet, le Conseil des prélèvements obligatoires et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale font état d’une fraude comprise entre 8 milliards d’euros et 15,8 milliards d’euros pour les prélèvements, et la Cour des comptes estime que la fraude aux prestations est comprise entre 2 milliards d’euros et 3 milliards d’euros.
Le Rapporteur considère donc que la fraude sociale représente près de 20 milliards d’euros.
1- La fraude aux prestations : plus de 1 % des dépenses du régime Général
Le montant des fraudes détectées en 2009 s’élevait à 380 millions d’euros
La Caisse nationale d’allocations familiales a mené, en 2009, une étude statistique auprès de 10 700 allocataires choisis de façon aléatoire sur l’ensemble du territoire et a pu, à partir d’une extrapolation des résultats obtenus au niveau national, évaluer les indus frauduleux. Le taux d’allocataires qui seraient auteurs de fraude est estimé à 2,15 % de l’ensemble des allocataires (3), soit 200 000 personnes.
L’impact financier de la fraude représenterait entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des allocations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d’euros.
Compte tenu de ces travaux et des estimations de la fraude dans les branches Maladie et Retraite : la Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du régime général (4), considère que la fraude aux prestations pour le régime général, représenterait donc entre 2 et 3 milliards d’euros.
2. La fraude aux prélèvements : une diminution massive des ressources de la sécurité sociale
L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, a utilisé une méthode d’estimation de la fraude aux cotisations dans le cadre du travail illégal consistant à extrapoler les résultats de contrôle de 2008. Elle aboutit à une fourchette de fraude comprise entre 13,5 et 15,8 milliards d’euros.
Par conséquent, compte tenu des montants collectés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale en 2008 – 359,7 milliards d’euros –, le travail illégal représenterait donc entre 3,8 et 4,4 % du montant des cotisations recouvrées en 2008.
LE DÉVELOPPEMENT INQUIÉTANT DES TRAFICS ORGANISÉS
Les fraudes sont rarement isolées. Elles concernent, à la fois, les cotisations, les prestations sociales et le fisc.
Le Rapporteur est convaincu, en outre, que si la fraude sociale est souvent le fait d’individus, elle prend de plus en plus la forme d’escroqueries organisées par des réseaux de fraudeurs.
À titre d’exemple, les pharmaciens sont aujourd’hui confrontés à des trafics de médicaments. Auditionné par la MECSS, M. Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (1) a souligné qu’il s’agissait aussi bien de trafics de substituts aux opiacés acquis frauduleusement puis revendus sur le marché de la drogue que de médicaments obtenus à l’aide de fausses ordonnances, afin notamment de les revendre à l’étranger :
« La fraude résulte d’une prescription légale : si des anomalies sont constatées par le pharmacien, notamment en cas d’interactions, la plupart du temps le médecin maintient sa
prescription. Les ordonnances peuvent également être délivrées par les hôpitaux. Elles sont alors souvent détournées de leur objet et non contrôlables par le pharmacien, celui-ci n’étant pas en mesure, la plupart du temps, de retrouver le prescripteur. »
La lutte contre le travail illégal reste le domaine principal où la fraude est le fait de réseaux organisés et prend une dimension industrielle.